mercredi 27 août 2008

Derb Milan, marché des dattes

Société/ Marché des dattes

Les dattes, l’invité indispensable du mois de Ramadan

La production nationale ne suffit pas !

Mohand Mellal*

Une virée rapide du côté du célèbre quartier Derb Milan, sis à Derb Sultan, la désormais mécque des dattes à Casablanca est suffisante pour nous rendre compte que la production nationale de ce fruit indispensable durant le mois sacré du Ramadan est insuffisante. En effet, le royaume importe des dattes d’un peu partout à travers le monde et même des contrées assez lointaines que les Emirats Arabes Unis, l’Irak, et même du Chili où nous achetons du raisin sec aussi indispensable durant ce mois sacré. Il ne demeure pas moins que l’essentiel de nos importations de ce must du mois de jeûne nous provient du pays des deux fleuves du Tigre et l’Euphrate et parmi les productions des célèbres et incontournables Deglet Nour maghrébines, ambassadrices de charme de nos voisins Algériens et Tunisiens.
Tout le monde ne se réjoui pas de cette frénésie marocaine vers l’importation de cette denrée qu’on peut largement et facilement se la procuré dans nos Feddanes (terme utilisé pour nommer les lots de terrains réservés à la culture de dattes chez nous). C’est le cas de Mohamed Benhmida, importateur originaire de Zagora «je trouve ça malheureux que nous continuions à importer des dattes de mauvaises qualités de l’Irak pour doper le marché». Et d’ajouter «Nous ferons mieux d’avoir une politique claire envers nos producteurs de dattes en les soutenant dans ces périodes de sécheresse auxquels ils font face seuls et impuissants». Le cri de Mohamed est un peu plus clair quand il déclare «les pouvoirs publics n’aident que les grands exploitants ; eux, qui ont déjà les moyens de contrecarrer la conjoncture difficile de cette dernière décennie». Et de souligner «Ce sont les petites exploitations qui ont besoin de l’aide de l’Etat car elles représentent l’essentiel de la production nationale qui peine en la comparant à ses voisins maghrébins qui sont beaucoup plus avancé en la matière».
La production nationale justement est difficilement perceptible devant ce choix de dattes étrangères de tous les calibres et marques aussi prestigieuses les unes que les autres. De l’autre coté, les dattes marocaines se retrouvent devant une concurrence, le moins que l’on puisse dire, déloyale devant ses consoeurs étrangères qui bénéficient des subventions de toutes sortes. La visite du marché permet aussi une immersion dans la vie des marchands de dattes venus des régions de Zagora, Errachidia, Ouarzazate, Tata et Figuig. Sur place, des étalages de dattes colorent l'entrée des magasins : Madjhoul (doté d’un noyau très fin et représentent les dattes les plus chers et de meilleurs qualité du marché), Jihl, Sayyer, Boufgous, Bouslikhène.etc. Nous ne pouvons pas faire un pas dans le marché sans qu’un vendeur nous sollicite en nous faisant l’éloge de sa marchandise «Notre marchandise arrive directement de Zagora sans escale» nous dit Hamid Irgui, un quinquagénaire originaire de la fameuse Oasis du Sud. Et d’ajouter «Nos récoltes ne disposent pas d’aucun produit chimique ou additif».Il poursuit, non sans un brun perceptible de fierté «Nous avons, sans exagéré, les meilleurs dattes du Pays». Dans le soucis de se distinguer un peu des concurrents sur place, Hamid Irgui ne manque pas d’argument pour faire valoir la qualité de ses stocks «Contrairement aux autres, nous nous écoulons les dattes de la récolte de cette année, 2008».
Les clients sont sensibles au « discours » de notre maître vendeur, et l’un deux n’a pas hésité de lui couper la parole «Elles sont combien ces dattes Jihl de Zagora par exemple ?» sûr de lui, «24DH» rétorque le vendeur. Sans aucune géne, l’acheteur potentiel lui répond «C’est un peu cher ça !». Hamid Irgui, le commerçant perd un peu son sang froid et se lance de nouveau dans un monologue sans fin «Je ne comprend pas les gens qui font ce genres de remarques sur les prix en ignorant tout sur la chaîne de production». Et d’ajouter «Ça se voit que ces gens ne sont pas au courant de toutes les charges que nous payons pour leur apporter les dattes de qualité». Notre vendeur ne s’arrête pas là «Les clients ne se posent jamais de questions sur l'itinéraire parcouru ni les frais engagés pour l'approvisionnement du marché». Continuant sur sa lancée «Avant d'être ici avec mes dattes, j'ai fait tous les souks de la région de Zagora, d'Agdz et de Ouarzazate pour acheter les dattes qui sont souvent payées au prix fort en fonction des variétés. Cette opération durait des semaines, voire même des mois». Pour ce qui des préparatifs pour le Ramadan 2008, Hamid Irgui explique «Cette année mon frère et moi avons commencé à nous préparer pour le Ramadan depuis la fin du mois de Mars. Nous avons sollicité toutes les personnes qui avaient les meilleures variétés parce qu'on savait que les clients marocains exigent de la qualité. Ensuite, nous avons stocké tous les achats en attendant l'approche du Ramadan. Vingt jours avant le début du mois sacré, j'ai effectué le départ vers Casablanca en compagnie d'autres marchands. Nous avons loué ensemble un camion moyennant 3 DH le kg transporté.

Hors texte :

Les dattes d’Irak volent la vedette

Le commun des mortels connaissant le relief et la météo du Maroc serait sidéré de savoir que les dattes Irakienne sont les plus prisés au marché des dattes de Casablanca au détriment de la production nationale. En effet, les dattes du pays du Tigre et l’Euphrate, que la plupart des spécialistes jugent de mauvaise qualité, s’arrachent contre la modique somme de 14 DH le Kilogramme contre 20 DH/Kg aux dattes égyptiennes. Les dattes Tunisiennes sont léguées contre 26 DH/kilogramme ; il faut un dirham de plus si nous voulons nous offrir les succulentes dattes Saoudiennes. Les fameuses Deglet Nour Tunisiennes et Algériennes sont respectueusement vendues à 26 DH et 32 DH. Les dattes de chez nous s’écoulent entre 20 Dh et 30 DH. L’insuffisance de la production nationale de dattes peut s’expliquer par différents facteurs comme nous l’indique Abdessamad Rifai, originaire de Risani et producteur «Nous avons connu une période de sécheresse sans précédant cette dernière décennie». Et d’ajouter «Nous n’avons pas reçu aucune aide des pouvoirs publiques malgré nos multitudes doléances». M. Rafai lance un cri d’alarme «Cette filière des dattes va connaître plus de difficultés les années à venir si rien n’est fait de la part de l’Etat pour la sauver de cette agonie insupportable». Avant de rajouter «Nous nous rencontrons tellement de problèmes qu’il y a des gens qui volent des palmiers pour les plantés dans les complexes touristiques pour servir de décoration». M. Rifai términe en disant «Notre pouvoir d’achat est tellement faible que les dattes sont devenues un produit de luxe». Il est à noter enfin que 4 tonnes de dattes provenant de Tafilalt et 8 tonnes de Zagora s’écoulent chaque semaine sur le grand marché de Casablanca de dattes plus connu sous le nom de Derb Milan.


* Journaliste stagiaire

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